Fils unique d’un aristocrate espagnol et d’une française issue de la bourgeoisie, Francis Picabia perd rapidement sa mère, sa grand-mère puis son père et évolue dans un univers masculin. Il se réfugie alors dans l’art. L’histoire veut qu’il se soit trouvé en confrontation avec son grand-père qui lui prédisait la fin de l’art pictural, précipitée par la photographie. A l’aïeul, le jeune Picabia répond « Tu veux photographier un paysage, mais non les idées que j’ai dans la tête, nous ferons des tableaux qui n’imiteront pas la nature ». En 1895, il intègre les arts décoratifs où il intègre la promotion de Marie Laurencin et Georges Braque. Il expose rapidement aux Salons officiels, suivant dans un premier temps les préceptes des impressionnistes. C’est en 1909 que Picabia rompt, brutalement certes, avec le conformisme impressionniste et avec ses marchands lorsqu’il expose Caoutchouc. La brèche vers l’abstraction est ouverte, mais Picabia ne s’y engouffrera réellement que quelques années plus tard. Grâce à une expression cubiste très personnelle, Picabia se met en quête de la représentation de tous les mouvements possibles de l’âme et de l’esprit. S’il s’agit d’une période féconde en termes d’inspiration pour l’artiste, les galeries et critiques d’art qui l’avaient salué dans sa période impressionniste lui tournent désormais le dos.
Il faut attendre 1913, lorsque Picabia se rend à New York en tant qu’ambassadeur de l’Europe à l’Armory Show (l’exposition internationale d’art moderne) pour qu’il retrouve le succès auquel il s’était habitué. Il reste six mois dans une ville qui le marque profondément dans sa conception de la modernité et où il assied définitivement son succès. A son retour il prend part aux aventures dadaïstes, temporairement, aux côté de Breton et Tzara.
Insatiable et quête de constant renouvellement, Picabia s’installe pour vingt ans à Cannes, fait l’acquisition du fameux Château de mai où il mène grand train, certes, mais surtout semble faire atteindre leur paroxysme à ses investigation stylistiques et techniques: c’est l’heure des transparences, inspirées d’aquarelles espagnoles réalisées quelques années auparavant.
A partir de 1940, les difficultés financières font oublier à Picabia les années fastes qu’il avait pu connaitre. Ce sont aussi les années du retour à l’abstraction, où les symboles sexuels se font prédominants de façon plus ou moins latente. A sa mort en 1953, André Breton lui rend un dernier hommage le 4 Décembre, au cimetière Montmartre : « Francis… votre peinture était la succession – souvent désespérée, néronienne – des plus belles fêtes qu’un homme se soit jamais données à soi-même… Une œuvre fondée sur la souveraineté du caprice, sur le refus de suivre, toute entière axée sur la liberté, même de déplaire… Seul un très grand aristocrate de l’esprit pouvait oser ce que vous avez osé. »